Dernière étape
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Et oui, à un moment donné, c’est la dernière étape. Et tous les cyclos au long cours (plus d’un an disons) que l’on a croisés parlaient d’une dernière étape. Parfois un peu floue mais en tout cas dans les têtes. Sauf peut-être pour Kriss, l’Australienne, que je questionnais sur le lieu approximatif de sa fin de balade :
Je ne sais pas. J’ai 41 ans, pas de famille, pas d’enfants, pas de travail, pas de logement. J’ai mon vélo et l’ énergie pour le faire avancer, rien d’autre. Et j’aime ça. Alors rentrer…
Chacun son chemin, voilà.
Nous, on s’est retrouvés un peu « choses » en posant les vélos dans un petit garage de Cuzco mais bien heureux aussi : d’avoir pu accomplir la route prévue, d’avoir découvert le monde latino-américain, d’être encore vivants, mais aussi de rentrer retrouver nos deux gazelles, nos familles et nos copaings. Et retrouver aussi une vie plus tranquille en ce qui me concerne car le plein air et les émotions à gogo, c’est intense.
Tant de gens et de lieux marquants encore, dans et autour de la cité Inca. Entre autres, le très touristique et très fascinant Machu Picchu. Et pour les gens, toujours ravis et parfois émus des échanges avec les Péruviens d’ici, avec les latinos-touristes (du Mexique, du Chili, du Brésil, du Pérou…) et avec les gringos, surnoms des « blancs avec un peu plus de sous que le Péruvien moyen » genre nous.
On pourrait citer Steep, le sociologue Péruvien croisé en même temps que Jin le cycliste Coréen. Ou la vieille Cuzcoenne qui nous a guidés de ruelles en ruelles jusqu’à son resto préféré, accrochée à mon bras et bien décidée à voir Paris avant de mourir. Ou le motard turc venant du Canada et allant vers Ushuaïa. Ou l’instit Péruvienne qui trouve très intéressant le système d’hébergement Warmshowers ou Coachsurfing. Ou les cyclos espagnols qui nous ont persuadés de leur vendre ma selle. Ou Alexandro le Brésilien, en pleine crise de quarantaine, sur son vélo depuis plusieurs mois. Et qui m’a expliqué :
Bon, oui, c’est très sympa le vélo, mais je ne sais pas si je vais mieux. Je me sens vraiment pas devenu Bouddha.
Et Fransisco. Ce monsieur de 76ans, gérant de la très chouette auberge l’Estrellita, est un grand monsieur: boitant mais vaillant, causant et aidant, bourré de belle humanité. Mais pas fort pour donner un âge aux gringos: voyant Yv le premier jour, il lui a dit que c’était bien de pouvoir faire du vélo à 70ans ! Yv lui a précisé qu’il n’avait que 50 ans. Et Fransisco, hochant la tête, répétait : « No lo puedo creer, no lo puedo creer » (je ne peux pas le croire, je…). Evidemment, j’ai bien rigolé. Mais j’ai quand même joué les cartes Solidarité et Honnêteté en disant à notre Fransisco que j’avais aussi quelques cheveux blancs, mais pas beaucoup. Il faut dire que le troisième âge ici a le cheveu encore bien sombre. Les gènes Incas.
Avant la chouette auberge Estrellita, on avait passé 2 nuits dans un autre lieu, plus neuf mais manquant de fun. Notamment, le fond musical… Franchement, le « still loving you » de Scorpion à la flûte de Pan, c’était pas terrible.
En tout cas, c’est bien agréable de faire un peu le touriste: glandasse, glaces, photos pose, micro shopping etc… Moins de se faire couillonner en se faisant refourguer un faux billet de 50 soles, mais ça donne un jeu rigolo: le refiler au plus vite. Il m’a fallu plusieurs tentatives, ce qui m’a permis de jouer à la neuneu :
Faux, mon billet ? Mais comment est-ce possible ? Ah bon ? Mais à quoi voyez-vous ça ? Ah oui, comme vous avez l’oeil. Toutes mes excuses et oui bien sûr, j’ai un autre billet. Mais pourquoi y a t-il de faux billets ? Encore désolée, confuse même, et que fait la police ? Ah, elle est corrompue, oui évidemment, c’est moins facile. Dites dans la monnaie, vous ne m’avez pas glissé un faux billet ? Ah ah ah, oui bien sûr, c’est une boutade. Allez, hasta luego señor…
Avant toutes ces belles rencontres humaines, historiques et géographiques, on étaient allés acheter des billets de bus pour Lima, afin d’être certains de pouvoir s’extraire à temps de cette Cuzco, diablement coincée dans la (haute) montagne. On avait opté pour des sièges un peu plus chers mais garantis inclinables à 180 degrés… Je vais te m’envoyer une palette de rapporteurs en plastique aux compagnies de bus d’ici, qu’ils revoient les mesures d’angles… Inclinaison à 45 degrés entre épaule et cou après 24 heures dans ce bus menteur…
Attention, dernière étape’ ne veut pas dire ‘dernier article’ !